Au revoir Daniel merci pour ton engagement - je n'oublierai pas

Publié le par Carole Gouyé

Au revoir Daniel merci pour ton engagement - je n'oublierai pas

Au revoir Daniel et merci pour ton engagement - je n'oublierai pas

mail que je vien de recevoir -

"Depuis des années nous cotoyons Daniel Carré,infatigable animateur du réseau Santé de l'ADMD et il nous a galvanisé pour notre mission:être présent dans le monde hospitalier pour faire connaitre nos positions et les défendre.
Nous avons pu voir qu'il a porté nos idées dans tous les débats de ces dernieres années dans toutes les instances qui comptaient:CISS,CNDH,Parlement,Commission SICARD,etc...
Nous n'oublierons pas sa rigueur intellectuelle,son respect de nos adversaires même les plus acharnés,son énorme travail sur tous les fronts et sa capacité d'entrainement et de conviction.
Maintenant le combat continue sans lui mais il nous a montré le chemin.
Mr Cottet RU,membre du groupe parisien autour de Daniel.
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Je vous joins pour ceux qui ne l'auraient pas lu http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1553683-la-maladie-grave-c-est-l-annonce-de-sa-propre-mort-face-au-cancer-je-lache-prise.htmlson dernier papier écrit pour le site du NOUVELOBS et le communiqué du CISS"
 
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La maladie grave, c'est l'annonce de sa propre mort : face au cancer, je lâche prise

Publié le 27-08-2016 à 13h47 - Modifié le 28-08-2016 à 12h01

 

 

 

Avatar de Daniel Carré

Par Daniel Carré
Membre de la CNCDH

LE PLUS. Daniel Carré, secrétaire général du Collectif interassociatif sur la santé et membre de la Commission nationale des droits de l'homme, a appris cet été qu'il était atteint d'un cancer. Parce que son long combat pour une fin de vie digne a plus de sens que jamais aujourd'hui, il a souhaité raconter ces derniers mois de lutte contre la maladie ici. Et son lâcher prise, aussi.

Une unité de soins intensifs au CHU d'Angers, le 24 octobre 2013 (J-S.EVRARD/AFP)

La vie associative remplit un peu trop mon agenda en ce début d’été 2016. Le poids de mes 83 ans commence à se faire sentir et je réfléchis à me dégager des aspects les plus opérationnels de mes activités. Je dois prendre de la distance car le stress se manifeste. Les séances de kiné, à la suite d’une chute en randonnée le 30 avril, donnent peu de résultats.

Je consulte le lundi 13 juin la médecin généraliste qui me suit depuis plus de 10 ans. Le diagnostic tombe : le poumon droit ne respire plus. Le lendemain, l’imagerie montre un encombrement liquide important de la plèvre. Le jeudi, la pneumologue m’hospitalise immédiatement, disons à l’hôpital A. Un protocole de passage sous héparine est mis en place. Lundi, première ponction, mercredi deuxième ponction, vendredi diagnostic de cellules suspectes dans le liquide ponctionné.

Une première annonce de cancer partagée avec les intimes dans la sérénité : j’ai très bien vécu jusqu’à 83 ans. Échanges avec les médecins et week-end en permission.

Je suis transféré en unité de soins intensifs

Lundi midi, les médecins annoncent mon transfert immédiat en chirurgie thoracique à l’hôpital B. Mardi, une bronchoscopie ne donne pas de résultat, car la lésion est trop profonde. Mercredi, opération en fin d’après-midi : exploration pour biopsie, pose de drain pour évacuer le liquide restant et talcage de la plèvre. L’opération est réussie.

Quand j’arrive dans ma chambre après le réveil, je ressens une violente douleur à gauche avec lancements dans le bras : signe d’infarctus du myocarde qui entraîne une pose de stens en urgence au milieu de la nuit. Je suis transféré en unité de soins intensifs.

Au moment d’en sortir, quatre jours après, un second infarctus survient, car les stents se sont bouchés. Une coronographie rétablit tout dans des délais record, ce que vérifie le vendredi 30 juin une coronographie de contrôle.

Un univers de capteurs et d’alarmes

Dix jours en unité de soins intensifs font vivre dans un univers de capteurs et d’alarmes qui amplifient tous les bruits du corps : rythme cardiaque et respiratoire, taux d’oxygénation et tension en permanence affichés, alarmes provoquées par le moindre changement, omniprésence du personnel sans lequel je ne puis bouger, car j’ai d’un côté la pompe sur le drain et de l’autre les perfusions.

Le soir du décès de Michel Rocard, une crise de tachycardie me fait vivre une nuit secouée par les alarmes qui déclenchent à tout moment un son et lumière agressifs.

J’écris mes souhaits pour mes obsèques

Je sors des soins intensifs. Quel plaisir de pouvoir enfin prendre une douche. Les indicateurs médicaux sont bons sur le plan cardiaque. J’avais oublié que j’étais hospitalisé en pneumo.

Les résultats de l’anapath tombent : adénocarcinome de la base du poumon droit avec métastases sur la plèvre, non opérable. Je recommence à marcher et je monte un étage. Je retrouve mon Mac et je formalise un message à tous les soignants qui m’ont pris en charge. J’écris aussi mes souhaits pour mes obsèques. Je retourne à domicile le 15 juillet après 29 jours d’hospitalisation.

La maladie envahit tout

Le domicile, un rêve que la réalité va vite dissiper. J’étais si bien chez moi en bonne santé. Mais la maladie marque un corps douloureux. Les problèmes de détail sont difficiles à résoudre. Je ne peux plus dormir dans le lit conjugal devenu inconfortable pour mon thorax. Je ne peux pas non plus partager des nuits agitées avec de très nombreux réveils. Je dors sur une banquette. Je commande sur internet un lit adapté. La généraliste, avec qui je me suis si bien entendu depuis que j’ai emménagé à Paris, suspend son activité et ferme son cabinet. Je trouve un autre médecin qui ignore tout de mon passé.

Les piqûres quotidiennes d’héparine provoquent des hématomes puis des hémorragies. L’hôpital B ne m’a laissé que des ordonnances. Mon traitement doit être adapté et il me renvoie vers la médecine de ville où un rendez-vous d’urgence en cardiologie début août est impossible à trouver. Par mes relations, je trouve un rendez-vous en cardio à l’hôpital C qui me prend très bien en charge. J’ai un premier rendez-vous d’oncologie à l’hôpital A !

La maladie envahit tout. La position couchée est la moins confortable qui soit malgré la qualité de mon nouveau lit. Mes nuits sont infernales. Une grande solitude pour coordonner tous mes soins malgré mon important réseau.

Le souci de ma prise en charge devient extrêmement lourd pour mon épouse. Cela me soucie énormément. Sa présence affectueuse permanente est extrêmement efficace. Mais elle n’a plus le compagnon avec qui elle partage depuis 60 ans les plaisirs de la vie, mais un grand malade dont elle assure le confort de survie ! Qu’elle accompagne depuis maintenant 70 jours. Alimentation, pansements, approvisionnements, logistique et entretien. La révolte la gagne, le burn-out la menace.

Les points faibles de mon hospitalisation

Quand je fais le bilan de ces deux mois, des points forts apparaissent. J’ai eu la très grande chance de trouver partout des professionnels compétents (médecins spécialistes et généralistes, pharmaciennes, kiné, infirmières, laborantins et aides soignantes) avec qui j’ai établi des relations de grande qualité. J’ai apprécié la modernité et les performances des équipements des hôpitaux. J’ai été très impressionné par le fonctionnement des équipes de coronographie qui font passer un robot dans le cœur au travers les artères.

J’ai cependant souffert des inconforts que les rythmes de l’hôpital imposent au patient, les visites inopportunes de l’équipe de nuit ou les problèmes nocturnes du compagnon de chambre à deux. L’unité de soins intensifs comporte des éléments dont l’ergonomie pourrait certainement être améliorée sans mettre en cause la sécurité du patient.

Le point le plus faible est l’alimentation, considérée par la doxa comme un élément essentiel pour le retour en bonne santé du malade, et qui se traduit en pratique par un effroyable gaspillage. La présentation des mets est déplorable. Beaucoup de barquettes plastiques partent directement à la poubelle. Dans l’hôpital A, des malades se font livrer des repas par les nombreux traiteurs du voisinage ; seuls les apports de nourriture par les familles permettent les menus plaisirs aux patients.

Un autre point faible est la mauvaise circulation de l’information entre les hôpitaux et avec les soins de ville. Certes des progrès considérables à l’intérieur de l’établissement ont été fait, comme le transfert numérique de l’imagerie et de la biologie sur les services. Mais je ne reçois que ce matin la lettre de sortie de l’hôpital B, réputé pour sa bonne organisation, un mois après ma relance.

La maladie grave est l’annonce de sa propre mort

La maladie grave c’est d’abord "la souffrance qui est l’impact direct de la douleur sur notre conscience", comme l’écrit Christophe André :

"Car la souffrance tend naturellement à devenir le centre de gravité de notre conscience, un soleil noir autour duquel tout tourne en rond. L’espace de notre conscience semble se rétrécir autour d’elle et il n’y a plus de place que pour la douleur, et plus rien d’autre. C’est ça la souffrance : la douleur qui prend toute la place et empêche le reste des sensations ou des pensées de s’installer durablement. Toute l’énergie de notre esprit est absorbée et consommée par la douleur : plus rien d’autre n’existe."

La maladie grave est aussi l’annonce de sa propre mort. Il m’arrive de souhaiter sa venue pour mettre un terme à une vie de souffrance où plus rien n’existe en dehors de la maladie et des soins. Certes les analgésiques calment mes douleurs physiques, mais inhibent ma conscience et ralentissent ma pensée.

Heureusement que j’ai des échanges de qualité avec ceux que j’aime, mon épouse, mes enfants, petits enfants, neveux et amis proches. La situation extrême dans laquelle je suis, fait tomber toutes les défenses et relativise les conflits. Je bénéficie de conseils éclairés et pertinents de professionnels de talent. De nombreux messages de solidarité arrivent de tous ceux avec qui j’ai une activité publique, sociale et militante. J’espère pouvoir contribuer à nos projets communs à la rentrée de septembre. C’est ainsi que je me sentirai vivant.

Contre une prolongation douloureuse de ma durée de vie

J’avais remis à mes soignants mes directives anticipées. Elles figuraient dans mon dossier de suivi dans l’hôpital. Elles ont été lues par tous les médecins et certains soignants. Cet affichage m’a permis d’établir une relation forte avec eux. Ils savaient ainsi que je privilégiais la qualité de vie par rapport à une prolongation douloureuse de ma durée de vie. De brefs et intenses échanges ont eu lieu, notamment avec des soignants. Les choix qui en résultent ne sont pas encore clairs, mais les objectifs sont partagés.

Aucun traitement curatif n’existe, ni chirurgie, ni traitement ciblé après analyses génétiques. Le médecin refuse d’avancer tout pronostic, qui serait de toute manière très incertain. J’ai décidé de lâcher prise et de laisser libre cours au cancer. C’est le contraire d’une fuite. Je refuse tout traitement contraignant et risqué (chimiothérapie), car j’espère que l’accompagnement dont j’ai la grande chance de bénéficier me permette de pouvoir me tenir debout jusqu’au dernier instant.

"Le sage ne cherche pas à esquiver la vie, ni ne craint sa fin,
car la vie ne l’offense pas et l’absence de vie ne lui semble pas un mal."
Épicure, "Lettre à Ménécée".

Portrait d'Épicure (Wikimedia Commons

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Décès de de Daniel CARRÉ, secrétaire général du CISS

C’est avec beaucoup de tristesse et une grande émotion que le CISS fait part du décès de Daniel CARRÉ, son secrétaire général. C’est en effet la démocratie en santé dans son ensemble qui est en deuil, tant l’implication de Daniel dans le Collectif a pu bénéficier à l’ensemble de nos actions sur une très grande diversité de thèmes. Il a bien entendu été particulièrement mobilisé sur les sujets traitant de la fin de vie, via son engagement au sein de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité dont il était le représentant au sein du CISS, mais aussi à travers la création de son association Génération 13. Son engagement autour de la fin de vie, quoi que profondément militant et convaincu, s’est toujours exprimé, au sein des travaux réalisés au CISS, dans l’écoute et le respect des positions de chacun… ce qui n’est en rien aisé lorsqu’on aborde des questions aussi sensiblement liées aux convictions personnelles. Il a porté jusqu’au bout ses convictions et son engagement en faisant entendre sa voix concernant sa propre fin de vie, comme à travers le magnifique témoignage qu’il a publié très récemment et qui restera le dernier d’une longue liste de textes à propos desquels il appréciait toujours de débattre et d’échanger : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1553683-la-maladie-grave-c-est-l-annonce-de-sa-propre-mort-face-au-cancer-je-lache-prise.html

 

Son sens de la diplomatie, de l’écoute impartiale dans le but de la construction collective est une qualité précieuse dans une organisation comme la nôtre où des approches complémentaires, mais aussi parfois contradictoires, sont en échange permanent dans le but d’élaborer des propositions consensuelles qui puissent être au mieux l’expression de l’intérêt commun et collectif à l’ensemble des usagers du système de santé. Daniel a su mettre pendant de nombreuses années toutes ses qualités humaines, son expérience des secteurs sanitaires et médico-sociaux ainsi que sa connaissance fine de la vie associative, au service de cette approche collective portée par le CISS pour faire vivre et avancer la démocratie en santé et les droits des malades.

 

Il va beaucoup nous manquer. Une pensée émue et sincère pour Daniel accompagnera maintenant la poursuite de l’œuvre à laquelle il a fièrement et utilement participé. Et c’est dans l’immédiat à sa famille et à ses proches que vont nos amicales condoléances.

 

 

 

 
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