Donner la mort, un pouvoir délégué aux médecins ?

Publié le par Carole Gouyé

Donner la mort, un pouvoir délégué aux médecins ?

Une opinion d’Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

12/11/14 - 09 H 32 - Mis à jour le 12/11/14 - 09 H 34


Ci-dessous réponse de mon amie Clo

 

M. Hirsch, les personnes en fin de vie ne sont toujours pas, à l'heure actuelle, reconnues dans "leur droit" ! et la "pente de l'euthanasie" pratiquée à l'insu est toujours d'actualité, malheureusement !

Qui est-ce qui reconnait, "dans un premier temps", la justesse d'une approche législative prudente (instauration de la loi Léonetti) VOUS ?

Comment pouvez-vous dire que les politiques ont manqué de courage pour la soutenir ou la faire connaitre ? Depuis qu'elle a été votée, c'est-à-dire neuf ans maintenant, on en parle sans arrêt dans les médias et sur tous les plateaux ce télévision, à croire qu'il n'y a que les médecins qui ne lisent pas ou qui ne regardent pas la télévision faute d'avoir appris le contenu de cette loi dans l'exercice de leur métier !

-OUI ! il faut que la France se dote d'une loi dépénalisant l'euthanasie et le suicide médicalement assisté pour éviter toutes les fins de vie dramatiques que vivent les malades Français et leur famille.

- OUI ! c'est une urgence parce que ça fait 34 ans qu'une association se bat pour réclamer ce droit exigé par 96 % des Français selon le dernier sondage IFOP d'il y a une dizaine de jours.

- Il faut M. Hirsch , que vous écoutiez les témoignages des malades Français qui vont mourir en Suisse ou en Belgique parce que la France, grâce à des conservateurs comme vous, leur refusent ce choix personnel sur le sol français ! de quel droit, votre avis primerait sur celui des malades ? Vous ferez ce que vous voudrez de votre fin de vie mais ce n'est pas à vous de décider à la place des autres ! On sait très bien que vous tous, experts en tous genres, saurez se faire aider si vous en avez besoin le moment venu ! (les relations et l'argent, ça permet de mourir comme on le veut, contrairement au commun des mortels !)

- OUI ! La dignité d'un malade c'est la sienne et les limites de cette dignité, c'est lui qui les fixe et personne d'autre ! Si certains malades s'accommodent des soins palliatifs pour sauvegarder leur dignité, c'est leur droit et c'est très bien mais , encore faudrait-il qu'ils soient en nombre suffisant sur tout le territoire français, ce qui est loin d'être le cas.

- Par contre, que ceux qui ne veulent pas aller en soins  palliatifs et qui demandent une euthanasie soient entendus dans leur demande. C'est leur CHOIX, et c'est leur DROIT ne vous en déplaise !

- une majorité de médecins français est pour le respect des volontés des malades et est prêt à les aider alors qu'on vote donc une loi qui dépénalisera l'euthanasie et qui permettra aux médecins de le faire en toute légalité au lieu d'être obligés d'oeuvrer dans la clandestinité avec le risque de se retrouver en cour d'Assises comme le Dr N. Bonnemaison. Je vous rappelle quand même qu'il y environ 4500 euthanasies clandestines qui sont répertoriées en France chaque année ! c'est donc bien que les médecins la pratiquent !

- Difficile de suivre votre raisonnement M. Hirsch ! Vous ne voulez pas d'une loi autorisant l'euthanasie parce que vous ne voulez pas faire mourir les malades mais vous êtes entièrement d'accord avec la loi Léonetti qui.... fait mourir les malades par sédation mais en les privant d'alimentation et d'hydratation !

voilà la belle hypocrisie dans toute sa splendeur !

M. Hirsch, vous n'êtes pas être sans savoir que quand on arrête d'alimenter et d'hydrater une personne, elle va MOURIR ? donc c'est que préconise la fameuse loi Léonetti ! L'intention est donc bien de faire MOURIR le malade mais pas rapidement, non, ce serait trop simple ! il vaut mieux y mettre une bonne dose d'inhumanité en faisant durer... l'agonie !

- M. Hirsch, ce que les malades attendent des médecins, c'est qu'ils les écoutent et qu'ils les aident selon leur volonté à EUX, pas selon la vôtre et à chaque sondage réalisé, ils sont de plus en plus nombreux à le réclamer, ça devrait vous interroger un peu quelque part non ? Ils doivent bien avoir une bonne raison parce qu'il y a quand même peu de personnes qui demanderaient une euthanasie juste pour le "plaisir" !!!

 

Texte "Une opinion d’Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

 12/11/14 - 09 H 32 - Mis à jour le 12/11/14 - 09 H 34

 

Dans les années 1980, le mouvement des soins palliatifs a tenté d’instaurer une nouvelle approche de la fin de vie. Dans un contexte d’abus de la technicité, alors que les personnes malades n’étaient pas encore reconnues dans leurs droits, cette mobilisation a permis de repenser l’engagement dans le soin. Ces militants d’une cause ignorée ou négligée dénonçaient déjà les pratiques indignes : la dissimulation des pronostics graves, une indifférence au contrôle de la douleur et à l’apaisement de la souffrance, l’abandon lorsque la médecine s’avérait impuissante à guérir, le manque de concertation et déjà « la pente de l’euthanasie » pratiquée à l’insu sans susciter la moindre discussion.

Trente ans plus tard, alors que la mort intervient, dans près de 70 % des circonstances, en institution, notre société s’est habituée à déléguer à des professionnels ses obligations face à celui qui meurt, au point d’occulter la signification du temps partagé avec l’autre en fin de vie. Tout semble indiquer en effet qu’après avoir choisi dans un premier temps la justesse d’une approche législative prudente (le 22 avril 2005), il conviendrait d’y renoncer faute d’avoir eu le courage politique à la fois de la soutenir en pratique et de la faire connaître dans les avancées qu’elle permettait. Le chemin vers la « libéralisation de la mort » devrait franchir une nouvelle étape relevant d’une urgence politique : la France se doterait dans les prochains mois d’une loi dépénalisant le suicide médicalement assisté, voire l’euthanasie.

La « dernière liberté » invoquée depuis des années par les militants de « la mort dans la dignité » relèverait demain de protocoles dûment exécutés dans un contexte médicalisé, alternative soignante estimée par certains plus digne que ne l’étaient les soins palliatifs. Cette « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » (proposition n° 21 du programme électoral de François Hollande en 2012) conclurait des années de disputations visant, prétendait-on, à conférer à la personne au terme de sa vie une considération et une autorité que lui avait confisqué une médecine par trop technique pour encore comprendre le sens d’une sollicitude. C’est pourtant à cette médecine que l’on s’en remettrait pour accomplir le dernier acte, conclure son œuvre : paradoxe qui ne semble que peu préoccuper ceux qui souhaitent lui confier cette ultime mission.

À la suite d’une curieuse construction qui, dans les années 1980, contestait la démesure du pouvoir médical et le scandale de « l’acharnement thérapeutique », c’est à son arbitrage que l’on s’en remettra pour abréger une existence considérée indigne d’être poursuivie. Certes, afin de sauver les apparences on y mettra pour la bonne forme la rédaction de directives anticipées opposables, voire un processus décisionnel collégial. Et le terme de sédation qui dénommera l’exécution d’un protocole médical ayant pour fin la mort d’une personne ne saura être attaché à l’acte euthanasique, tant les manipulations sémantiques permettent de préserver les apparences. La sédation serait ainsi « profonde » ou « terminale », pour ne jamais dire « euthanasique ». En fait, ces mêmes médecins que l’on contestait avec une telle véhémence hier, dans leurs arbitraires et leur manque d’humanité, vont se voir confier le pouvoir légal d’interrompre une existence, certes dans le cadre procédural d’un dispositif élaboré avec la minutie d’un acte notarial et à la demande, nous dit-on, de 96 % des Français (1).

Cette délivrance de la vie ainsi déléguée par nos politiques à la compétence médicale semblerait la solution qui s’impose, plus efficace en fait que l’exigence de respect et de sollicitude témoignés à la personne malade et à ses proches dans le cadre d’un accompagnement vrai. S’en satisfaire comme d’une conquête de la liberté et d’une avancée démocratique, c’est renoncer à considérer notre présence et notre attention auprès de celui qui va mourir comme l’ultime expression de la réelle solidarité qu’il attend de nous.

(1) Sondage Ifop/ADMD, « Le regard des Français sur la fin de vie », octobre 2014. 

 

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